Nous nous approchons un homme assis derrière le centre Pompidou. Steven le salue. Il est content de nous voir. Une à une, nous le serrons la main. “Je ne suis pas comme les autres,” il dit. “J’ai ma bouteille de vin, mais je ne bois pas toute la bouteille dans une soirée.”
Bientôt on parle de sa vie antérieure. C’est un Parisien. Comme toi, comme moi. Il a grandi dans le 18e. Il travaillait dans le parc des Buttes Chaumont. Un travail stable. C’est le plus motivé de toute son équipe. Il menait une vie tranquille. Néanmoins, un été calamiteux a bouleversé son parcours. Un beau matin il fait sa surveillance et il arrive sur une vue effrayante, un suicidé a sauté d’une falaise. Triste moment. Il appelle les polices. Il fait une pause. Cette image lui suit.
Quelques semaines plus tarde, il apprend, le mort de son frère et de sa soeur dans un accident de voiture. Il s’interroge, pourquoi moi? Il prend deux semaines de congé. Il essaye de faire son deuil, mais trop tôt on lui oblige à travailler. Il bosse, mais il ne serait plus jamais pareil.
La semaine de sa rentrée, son destin en fut scellé. Pendant la nuit deux personnes se sont pendues et c’est à lui encore de découvrir la scène. Il appelle les polices. On ne peut pas enlever les corps avant l’enquête du coroner, l’enquête durera toute la semaine. Il ne peut plus travailler. Il démissionne.
Ses amis n’ont pas de compassion, ils ne peuvent jamais comprendre. Sa famille est morte. Il n’a personne. Il n’y a que la rue qui lui accueil.